Tahiti, le 12 février 2021 - L’histoire de la colonisation du Pacifique Sud par les Européens est riche de nombreux événements souvent tragiques, féroces et cruels, mais il en est un qui est unique, car il porte sur la colonisation non par des Européens, mais par des Polynésiens, les Maoris de Nouvelle-Zélande, d’un autre petit peuple, les Morioris, habitants aborigènes de l’archipel des îles Chatham situées à 800 km à l'est des côtes de la Nouvelle-Zélande (à la latitude de Christchurch). Une colonisation d’une brutalité inouïe qui a abouti, cannibalisme forcené aidant, à l'élimination quasi complète d'une population n’ayant qu’un seul tort, celui de refuser toute forme de violence, même pour se défendre...
Le peuple Moriori vécut isolé du reste du monde pendant une période difficile à définir ; ces Polynésiens, ethniquement parlant, venaient très probablement de la Nouvelle-Zélande elle-même et seraient arrivés sur ce petit groupe d'îles battues par les vents froids du sud un peu avant 1 500 ap. J.C.
Moriori est une transformation du mot Maori, qui désigne les indigènes vivant en Nouvelle-Zélande. Les Morioris n'ont jamais été très nombreux : guère plus de deux mille, sachant que les conditions de vie sur leurs îles étant très précaires, elles ne permettaient pas à une population nombreuse d'y prospérer. On rapporte d'ailleurs que certains enfants mâles étaient régulièrement castrés voire même tués à leur naissance pour éviter, justement, tout risque de surpopulation, les ressources locales (poissons et quelques plantes) étant limitées.
La règle de Nunuku
Au début de leur histoire, à l'image des Maoris, les Morioris étaient très belliqueux, mais un de leurs prestigieux chefs, Nunuku Whenua, imposa à tous la paix, inculquant à son peuple l'idée pacifiste très en avance sur son temps que les conflits devaient se régler de toutes les manières possibles, sauf par la violence. La règle édictée par Nunuku s'appliquait à tous et à toutes et dans les pires cas, si un conflit ne pouvait se régler autrement que par un affrontement, celui-ci se limitait à un duel entre les protagonistes. Or, c'est cette règle de Nunuku qui conduisit son peuple à sa perte plus tard.
Qui était donc ce fameux Nunuku dont le mana fut tel qu’il imposa une loi destructrice pour son peuple ? A vrai dire, on ne sait rien de précis sur lui sinon que Nunuku Whenua était un chef moriori ayant vécu au XVIe siècle aux Chatham. A la tête de la petite tribu des Hamata, après un conflit avec certains de ses voisins, il aurait vaincu ses rivaux, mais à la façon de Pyrrhus, c’est-à-dire en ne gagnant rien dans cette bataille sinon un peu moins de morts que ses adversaires. Pour lui, une évidence s’imposa : quel que soit le motif d’un conflit, aucune guerre n’était admissible, aucune exécution capitale acceptable et par voie de conséquence aucun acte de cannibalisme n’était justifié.
Condamnés à vivre sur un archipel peu accueillant de seulement 966 km2 (Tahiti mesure 1045 km2), les Morioris devaient intégrer le fait que la violence ne ferait désormais plus partie de leur vie. C'est à partir de leur découverte par William R. Broughton le 29 novembre 1791 que le sort de ces îles et de leur population prit une tournure plus délicate, car le HSM Chatham, qui donna son nom à l'archipel, amenait avec lui des maladies inconnues comme la grippe, qui s'avéra mortelle. D'autant que dans le sillage du Chatham arrivèrent des baleiniers et des chasseurs de phoques, équipages qui n'étaient pas exempts de toutes sortes d’affections, bien au contraire. Dans les années 1830, sur 2 000 habitants, il n'en restait plus que 1 600 estime-t-on d'après les recensements partiels alors effectués.
Invasion guerrière maorie
Ces mauvaises influences extérieures n'étaient rien en comparaison de ce qui attendaient les Morioris : à bord des baleiniers notamment, des Maoris étaient fréquemment embarqués, souvent de gré, parfois de force, pour renforcer les équipages ; or, ces Maoris qui découvrirent les Chatham furent très étonnés de constater que les Morioris vouaient un véritable culte à la non violence ; ils comprirent vite tout le parti qu'ils pouvaient tirer de cette information capitale ; même si le comportement des marins était condamnable, même si ceux-ci commettaient des fautes méritant châtiment, les Morioris ne répondaient jamais autrement que par la tolérance et la résignation, loi de Nunuku oblige…
De retour dans leurs tribus, les Maoris ayant fait escale aux Chatham s'empressèrent de raconter à leurs chefs que pas si loin que cela des côtes, se trouvaient des îles à conquérir, conquête qui s'annonçait d'autant plus facile que les envahisseurs trouveraient en face d'eux des gens paisibles, incapables de se battre et refusant toute violence. Les Maoris, à l'époque, avaient déjà commencé à se hasarder jusqu'aux Samoa et à Norfolk pour coloniser de nouvelles terres et la perspective de s'emparer facilement des Chatham leur parut opportune, car sans risque. Début 1835, une invasion guerrière fut planifiée et elle se fit, à partir de deux tribus, les Ngati Mutunga et les Ngati Tama (tous de la région au nord de Wellington).
Attrapée, tuée, écorchée...
Le 19 novembre 1835, le brick Lord Rodney arriva aux Chatham avec 500 guerriers Maoris armés de leur traditionnel arsenal, mais aussi de pistolets et de mousquets. Le bateau avait dans ses cales plusieurs dizaines de tonnes de patates douces à consommer, mais aussi à planter pour subvenir aux besoins des conquérants décidés à rester. Le 5 décembre 1835, un autre navire convoya 400 guerriers Maoris. Le ton fut très vite donné ; l'invasion serait sanglante. La première victime aurait été une petite fille de 12 ans, attrapée, tuée, écorchée et dont les restes de la carcasse et la chair auraient été suspendus à un poteau. Le signal était clair, les Maoris étaient venus pour tuer les Morioris et accessoirement manger ceux qu'ils vaincraient.
Aucun tabu ne fut respecté ; aucune propriété, aucune enceinte sacrée, aucun lieu de vie qui ne fut envahi et où les massacres les plus abominables eurent lieu sur des habitants sans défense et qui, de plus, refusaient de se battre. En l'absence de viande abondante sur l'île, les Morioris devinrent à la fois les esclaves et le bétail des Maoris qui dévorèrent impitoyablement tous les vaincus qu'ils pouvaient tuer, gardant les autres en réserve pour en faire leurs domestiques.
Personne ne devait en réchapper…
Devant l'ampleur de la catastrophe qui s'abattait sur les Chatham, une réunion des chefs Morioris eut tout de même lieu sur le site appelé Te Awapatiki ; tous étaient conscients que face à la brutalité des Maoris, face à leur férocité et à leur sauvagerie, face au fait qu'ils dévoraient tous les Morioris qu'ils tuaient, rester sans rien faire équivaudrait à se faire massacrer. Et pourtant, alors qu'ils étaient pratiquement à deux contre un, les Morioris décidèrent de ne pas se battre, de ne pas se défendre, de ne pas repousser à la mer les colonisateurs. La règle de Nunuku n'était pas seulement une loi, ce devait être une obligation morale.
Un survivant Moriori témoigna plus tard que, dès lors, les Maoris les considérèrent comme étant tous du bétail : hommes femmes, enfants, les Maoris ne faisaient pas de détail, ils tuaient et mangeaient les Morioris quand bon leur semblait. Un Maori, expliqua plus tardivement que dans leur esprit, ils prenaient pleine possession de ces terres et qu'en accord avec leurs traditions, ils étaient en droit de capturer et de disposer à leur guise de toute la population indigène, y compris pour la manger. Personne ne devait en réchapper…
Moins de 100 survivants
L'invasion des Chatham terminée, tout le territoire conquis, les Maoris conservèrent quelques centaines d'esclaves Morioris (dont certains furent envoyés en Nouvelle-Zélande dans les tribus, toujours comme esclaves) ; il leur était, bien entendu, interdit sauf exception de former des familles, de faire des enfants et de vivre autrement que comme des animaux soumis aux caprices de leurs maîtres qui les passaient volontiers au four quand ils avaient une petite faim. La langue Morioiri fut interdite, la culture Moriori effacée et l'on estime aujourd'hui qu'environ trois cents personnes au moins furent victimes de l'anthropophagie féroce et folle des Maoris durant cette courte période de prise de possession des îles. Le génocide se poursuivit plus tard, notamment en parquant sur la plage femmes et enfants dans des enclos où ils mourraient de faim, de froid et de soif. Enfin, dans le souci de détruire toute trace des cultes anciens, ils forcèrent les Morioris à uriner et déféquer sur les lieux qui leur étaient sacrés, leurs marae. Seules quelques femmes Morioris parvinrent à se marier avec des Européens de passage ou des Maoris.
En 1862, il restait moins d’une centaine de Morioris encore vivants, sur les deux mille personnes composant, en 1834, cette petite ethnie pacifique.
Tommy Solomon, qui passait pour être le dernier Moriori de sang pur, mourut en 1933, mais heureusement, plusieurs milliers de Morioris métissés sont encore vivants de nos jours. La culture Moriori renaît petit à petit de ses cendres, et, en 2005, la promesse de vivre en paix a été refaite solennellement par tous ceux qui ont du sang Moriori dans les veines, sur le marae Kopinga, aux îles Chatham. Le gouvernement néo-zélandais, qui plus est, a reconnu ce petit peuple dans une partie de ses droits même si ce génocide cannibale ne sera jamais effacé des mémoires…
Neuf ultimes Moriori au four !
Les îles Chatham furent le théâtre de ce qui est sans doute le seul génocide cannibale connu dans l'histoire moderne. Les organisateurs de génocides ne manquent malheureusement pas, les Arméniens en 1915, les Juifs et les Tziganes durant la Seconde Guerre mondiale ; les Cambodgiens plus près de nous, mais aussi les Rwandais, du moins ceux qui ont eu la chance de survivre, ont pu en témoigner…
Cap sur les Chatham
Les vulnérables et malheureux Morioris, aux Chatham, étaient certes des cibles à abattre, mais aussi et surtout des matières premières indispensables au bon moral de leurs maîtres, les Maoris, venus de Nouvelle-Zélande en 1835, cannibales invétérés, bien décidés à ce que leur raison, celle du plus fort, l’emporte sur toute autre considération.
On le sait, non violents, pacifistes convaincus, les Morioris furent des proies de choix pour leurs envahisseurs qui n’eurent de cesse de les humilier et de les éliminer, et nous avons retrouvé un récit de ce qui fut sans doute l’un des derniers repas dont les Morioris furent les victimes. C'était en 1844, mais il faut revenir en arrière de quelques mois pour mieux comprendre l'origine de ce récit.
Si les missionnaires anglais furent très actifs dans le Pacifique, et les Français un peu moins, les Allemands ne furent pas absents de ce vaste océan qu'il fallait convertir à la vraie foi et qu’il fallait aussi coloniser pour des raisons économiques ou géostratégiques. D'où l'envoi, depuis Berlin, de missions dans des terres où la parole du “vrai dieu” n'avait pas été répandue et où les intérêts allemands n’étaient pas représentés et à plus forte raison défendus.
Ce fut le cas en 1842, quand cinq missionnaires luthériens allemands furent envoyés dans le Pacifique Sud ; parvenus à Nelson, en Nouvelle-Zélande, ils constatèrent que d'autres missionnaires avaient déjà commencé le travail et ils décidèrent d'aller évangéliser les îles Chatham dont on ne savait que peu de choses, sinon qu'il s'y passait des événements terribles, comme avaient pu en témoigner les baleiniers en escale.
Refus de se soumettre aux Maoris
Les cinq missionnaires allemands débarquèrent dans l’archipel oublié du monde le 20 février 1843 ; ils y découvrirent un millier de Maoris violents et sanguinaires, et environ cent cinquante à deux cents Morioris soumis aux Maoris.
A l'évidence, il y avait sur cette terre de péchés beaucoup de travail pour des missionnaires qui n'étaient pas des paresseux. Mais pour se faire accepter et pour ensuite faire progresser la foi, ils comprirent qu'ils devaient se rendre utiles, indispensables mêmes aux yeux des indigènes ; l'un des religieux était charpentier, un autre peintre, un autre forgeron, un autre tonnelier et le dernier fut désigné maître d'école et professeur de musique.
Les missionnaires comprirent aussi très vite que les Maoris avaient entendu parler de ces étranges prêcheurs, auprès desquels ils pouvaient se fournir en toutes sortes d'objets utiles et que leur présence n’était pas si inattendue que cela, d’autres sévissant déjà sur leur île d’origine. Les Allemands, pragmatiques, mirent de suite un frein à la volonté des Maoris de les piller : oui à des échanges, non à des cadeaux et de toutes les façons, le christianisme qu'ils devaient enseigner n'avait rien à voir avec le commerce de bouts de ferraille… Les Maoris, pour faire céder les cinq Européens, firent alors monter les enchères dans la fourniture de produits vivriers, espérant affamer leurs visiteurs et les contraindre à plus de docilité et de soumission, mais les Allemands avaient des vivres et de la ressource.
Des tonnes de pommes de terre
J.G. Engst, le plus âgé, intégra rapidement dans sa vision de ce nouveau monde à évangéliser que la stratégie des indigènes païens était de les affamer. Subir, céder, s’avouer vaincu, c'était assurément mal connaître les Allemands, qui avaient des pommes de terre avec eux et qui, très vite, sur le lopin de terre où ils s'étaient installés, eurent largement de quoi satisfaire leurs besoins alimentaires de base. Mieux même, les Allemands furent rapidement en mesure d'acheter un petit voilier en Nouvelle-Zélande pour assurer leurs liaisons avec Auckland et commercer ; ainsi, lors des ruées vers l'or qui se succédèrent en Australie furent-ils capables d'exporter mille tonnes de pommes de terre vers la Nouvelle-Zélande, puis vers l'Australie. Un chiffre qui peut paraître extravagant, mais qui montre bien quelle énergie ils déployèrent pour asseoir leur présence et ne dépendre très vite de personne, ni des Maoris, ni de la charité des chrétiens de Sydney, ni même du bon vouloir de leur maison mère à Berlin.
Trois ans après leur installation réussie, leur société missionnaire, malgré tout généreuse, leur envoya un somptueux cadeau, en l’occurrence trois femmes pour qu'ils “se réconcilient avec leurs conditions”. M. Engst et un autre missionnaire restèrent célibataires, mais se montrèrent satisfaits de leur sort, les trois autres ne se faisant pas prier pour se “réconcilier avec leur condition” comme le leur demandaient leurs supérieurs. Il y a des ordres qui ne se refusent pas… Evidemment, très vite, la mission allemande prit une forte ascendance sur les Chatham et le premier travail des missionnaires, civiliser et évangéliser les Maoris comme les derniers Morioris, ne cessa jamais jusqu'à la conversion de tous. Or, parmi les soucis des missionnaires, les pratiques de leurs concitoyens encore réfractaires à la Bible, les heurtaient énormément, notamment le cannibalisme qui s’exerçait aux dépends des Morioris. Ils entreprirent donc leur éducation avec ferveur, dans l'espoir de leur faire abandonner l'anthropophagie au plus vite, ce qu'ils parvinrent à faire assez rapidement.
Massacrés à coups de casse-tête
Néanmoins, en 1844, M. Engst se rendit à Ocean Bay et, devant la maison de palabres d'un vieux chef, il tomba en arrêt devant un tas de crânes qui lui semblèrent très récents. Ils avaient été mis à blanchir au soleil, mais leur fraîcheur interpella le missionnaire. Celui-ci demanda des explications qui lui furent fournies par un évadé du bagne d'Australie, qui vivait alors aux côtés du chef Maori. Celui-ci lui raconta donc ce qui avait abouti à la présence de ces crânes ; peu de temps avant la venue de M. Engst à Ocean Bay, le chef avait réuni ses esclaves Morioris pour leur faire construire un grand four dans la terre, rempli de bois et de pierres à chauffer. Quand tout fut prêt, le chef vint inspecter le travail et massacra à coups de casse-têtes neuf de ses Morioris. Aux survivants, il donna l'ordre de tout simplement cuire les corps de leurs frères et parents. Tout le village maori reçut une invitation du chef et un grand banquet fut organisé pour l'occasion.
Selon le missionnaire, ce dramatique massacre suivi d'un repas cannibale fut sans doute le dernier de ce type qui eut lieu aux Chatham, puisque Engst se chargea de convaincre le chef de l'immoralité de cette pratique. Celui-ci, s’il ne justifia pas clairement son geste, entendait probablement procéder à un dernier repas festif de chair humaine, alors que la présence et la pression des missionnaires lui avaient sans doute fait craindre que l’anthropophagie ne fasse bientôt partie du passé…
Les Chatham, c’est où ?
Le petit archipel des îles Chatham se trouve environ à 800 km à l’est de la ville de Christchurch en Nouvelle-Zélande, par quasiment 44° de latitude sud.
L’ensemble des terres émergées représente 966 km2, deux îles se distinguant par leur surface : la plus grande, Chatham (Reroku ou Wharekauri en Maori) et Pitt (Rangiauria). Le principal village, Waitangi, se trouve sur Chatham, l’archipel abritant environ six cent-dix habitants (Européens, Maoris et descendants des derniers Morioris).
Routes, aéroport et cultures se trouvent concentrés sur Chatham qui culmine à 299 m au-dessus du niveau de la mer. Le climat subpolaire, océanique et pluvieux permet à de petits cours d’eau de se maintenir, tandis que des lacs parsèment la grande île.
Avant l’invasion par les Maoris, les Morioris étaient divisés en neuf tribus : les Hamata, Wheteina, Eitara, Etiao, Harua, Makao, Matanga, Poutama et Rauru. Les chefs ne l’étaient pas de façon héréditaire, mais étaient choisis en fonction de leurs capacités à bien gouverner.
L’arrogance maorie
Les Maoris, on l’a vu, se sont comportés comme des bouchers sur cet archipel de Chatham peuplé avant leur arrivée par près de deux mille personnes complètement pacifiques. Cette colonisation suivie d’un véritable génocide aurait dû amener les Maoris à un peu de compassion. Que nenni ! Si en 1863, les autorités néo-zélandaises vinrent rendre leur liberté aux derniers Morioris, les clans Ngati Mutunga et Ngati Tama refusèrent catégoriquement de restituer les terres confisquées au peuple premier, la justice britannique déclarant officiellement en 1870 que 97,3% des terres appartenaient effectivement aux Maoris et non aux Morioris dépossédés.
Cette arrogance des Maoris envers les Morioris n’a pas cessé depuis : en 1994, les Morioris déposèrent un nouveau recours devant le tribunal de Waitangi, demandant que leur soit reconnu le statut de peuple indigène. En 2001 seulement, le tribunal finit par leur donner raison ; ils obtinrent un droit de regard sur l’exploitation des ressources marines autour de leur archipel, mais en revanche, les Maoris, arcboutés sur leurs positions de colonialistes et d’envahisseurs, refusèrent tout acte de repentance. Finalement, le 14 février 2020, la Nouvelle-Zélande émit une demande formelle de pardon pour les souffrances endurées et versa aux Morioris une indemnité de 18 millions de dollars kiwis en compensation. Enfin les Morioris se virent attribuer les terres qui appartenaient jusqu’alors au gouvernement néo-zélandais –mais pas un mètre carré des terres détenues le plus illégalement du monde par les Maoris. Ceux-ci ne veulent toujours rien céder et surtout pas reconnaître leurs torts. Pire même, entre 2001 et 2020, ces derniers multiplièrent les actes d’incivilité envers la communauté moriorie, saccageant et vandalisant à qui mieux-mieux les sites sacrés des derniers Morioris.
On voit que si les Maoris se posent volontiers, aujourd’hui encore, en victimes de la colonisation britannique, ils sont loin d’assumer leur rôle de bourreau d’un petit peuple voisin du leur... Faites ce que je dis, pas ce que je fais !
Deux héros Moriori
L’histoire a mémorisé deux personnages ayant joué un rôle clé dans la survie des ultimes Morioris. Hirawanu Tapu et Tommy Solomon.
Hirawanu Tapu
Hirawanu Tapu, parfois également appelé Maitarawai ou Taputehara Maitara (circa 1824- mai 1900) est né au sein d’une tribu avant l’invasion des Maoris. Il a onze ans lorsqu’il assiste au massacre des siens. Il est ensuite emmené à Kaingaroa comme esclave du chef Wiremu Kingi Meremere. Dans les années 1850, il épouse une Moriorie esclave elle aussi, Rohana Tini Waihe (décédée en 1915) et parvient à rentrer dans son île en 1860, après la mort de son maître. Il lit et parle alors Maori et Anglais (partiellement). Sur place, il se met au service des Morioris encore vivants pour faire du troc avec baleiniers et chasseurs de phoques. C’est lui qui devient l’écrivain du conseil Te Awapatiki, réunissant généalogies, contes, chants et légendes moriories. Tapu représenta son peuple lorsque celui-ci saisit les tribunaux pour récupérer ses terres en 1863. Il fut l’intermédiaire entre les ethnologues et les Morioris et il permit la rédaction d’un dictionnaire du vocabulaire moriori.
Il mourut de tuberculose en 1900 à l’âge (présumé) de 76 ans.
Tommy Solomon
Tommy Solomon, de son vrai nom Tame Horomona Rehe (7 mai 1884-19 mars 1933) était un fermier passant pour avoir été le dernier Moriori non métissé. Il grandit dans la réserve de Manukau aux Chatham, avec vingt-quatre autres Morioris. Il interrompit sa scolarité en 1897 pour aider son père aux travaux des champs. En 1900, il était l’un des douze derniers Morioris. Costaud, volontiers indiscipliné, il canalisait son énergie dans le rugby (quand il n’avait pas quelques soucis avec les forces de l’ordre...). En septembre 1903, il épousa une Maorie du clan Ngati Tahu et se forma à l’élevage des moutons. En 1915, ayant hérité de la ferme paternelle, il était un éleveur aisé de moutons, de chevaux et de bovins. Il s’enrichit d’autant plus qu’à chaque décès d’un des derniers Morioris, c’est lui qui héritait de ses biens ; sa femme décédée, il épousa la nièce de celle-ci qui lui donna cinq enfants.
Très impliqué dans la vie de sa communauté, il jouissait d’un grand prestige. Souffrant d’obésité, de santé fragile, il décéda à 48 ans seulement d’une crise cardiaque due à une pneumonie.